Nous rendons grâce à Dieu qui nous a rassemblés dans le nom de Jésus ressuscité et dans l’amour de l’Esprit Saint. Nous le remercions aussi pour le don de la bienheureuse Pauline Jaricot à l’Église et à l’humanité. Nous reconnaissons le don de l’Église de Lyon à la mission de l’Église universelle et à la transformation de la société par l’Évangile. Permettez-moi de vous proposer quelques réflexions basées sur les passages de l’Écriture que nous venons d’entendre.
Commençons par une question. Comment puis-je savoir que quelqu’un m’aime ? Comment puis-je savoir que j’aime quelqu’un ?
On pourrait répondre en disant : “C’est quand nous conservons les cadeaux que nous avons reçus de ceux que nous aimons ; ou quand nous avons des photos d’eux que nous gardons toujours avec nous ; ou quand nous gardons des lettres, des SMS, des e-mails que nous relisons encore et toujours, ranimant des sentiments qui ne passent jamais.” Notre expérience humaine de l’amour confirme les paroles de Jésus dans l’Évangile : “Celui qui m’aime gardera ma parole”. Garder sa parole, le don de sa parole.
Aimons-nous suffisamment Jésus pour chérir sa parole, qui est la parole du Père qui l’a envoyé ? Garder la parole de Jésus implique de l’écouter, d’apprendre de lui, de contempler et de prier avec sa parole, comme sa sainte Mère l’a fait. Mais cela ne devrait pas être une forme de sentimentalisme ; et cela ne signifie pas non plus enfermer la parole de Jésus dans un coffre. Jésus dit : “Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements.” Le commandement de Jésus, c’est de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés.
La fidélité à la parole de Jésus implique de vivre par sa parole, d’agir en fonction de sa parole et de faire de sa parole d’amour la règle de nos vies. Mais nous ne devrions pas oublier que Jésus n’est pas simplement le messager de la parole de Dieu : il est lui-même le Verbe de Dieu devenu humain. Aimer Jésus, cela veut dire lui permettre de demeurer activement en nous, de sorte que nous puissions dire avec saint Paul : “Christ vit en moi ; ma vie dans la chair, je la vis par la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi” (Galates 2,20). Aimer Jésus, c’est répondre avec reconnaissance à celui qui nous a aimés le premier. Aimer Jésus, c’est le laisser, lui qui est la Parole de Dieu, vivre, agir et aimer en moi et à travers moi. Nous voyons en Pauline Jaricot un témoignage vivant de la puissance de l’amour pour Jésus, un amour qui devient une identification à Jésus. Cela nous conduit à mon second point.
Aimer Jésus en étant fidèles à sa parole est un don de Dieu dans l’Esprit Saint.
Jésus dit : “le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père va envoyer en mon nom – il vous enseignera toute chose et vous fera vous souvenir de tout ce que je vous ai dit.” Nous sommes de faibles êtres humains. Quand nous ne comprenons pas complètement quelque chose, nous l’ignorons, et finissons par l’enterrer. Nous n’avons pas très bonne mémoire ou peut-être que nous choisissons ce dont nous nous souvenons. Si ce qui est enseigné paraît simple ou avantageux pour moi, je l’écoute. Si cela demande de renoncer à soi-même ou de se sacrifier, je l’oublie. Nous devons admettre qu’aimer Jésus en gardant sa parole n’est pas possible à travers les seuls efforts humains.
Dieu sait que nous ne pouvons pas le faire par nous-mêmes ; c’est pourquoi Dieu envoie l’Esprit Saint pour nous enseigner constamment et nous rappeler la parole de Jésus. Aimer Jésus implique d’être ouvert aux impulsions et aux surprises de l’Esprit Saint. Dans la première lecture, les Apôtres ont écouté l’Esprit Saint qui les a aidés à comprendre la parole de Jésus d’une manière nouvelle, ouvrant par là leur mission aux personnes d’origine païenne.
L’Esprit Saint nous conduit à aller vers toutes les nations et tous les peuples, dans une mission d’amour. L’Esprit Saint fait en sorte que nous ne gardions pas la parole de Jésus comme un objet du passé, comme dans un musée. Au lieu de cela, l’Esprit Saint ouvre de nouveaux chemins, pour que la parole et l’amour de Jésus puissent atteindre davantage de gens. Nous sommes émerveillés de voir à quel point Pauline Jaricot a été docile à l’Esprit Saint qui l’a poussée avec de nouvelles idées et initiatives pour la diffusion de l’évangile et le service des pauvres. Elle a suivi en cela une grande tradition spirituelle, missionnaire et sociale de l’Eglise de Lyon.
Certains pourraient dire que recevoir le don de la parole de Jésus et le don de l’Esprit Saint implique de lourdes responsabilités, ainsi que le rejet et les persécutions. C’est ce que confirme l’expérience des apôtres, des saints et des martyrs. Mais nous sommes aussi consolés par un autre don de Jésus : la paix. Il dit : “Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas à la manière du monde.” Si nous aimons Jésus, nous allons garder sa paix, pas la paix du monde ou des pouvoirs qui s’opposent à Dieu.
Voici quelques exemples de la manière dont le monde donne la paix : quand la recherche de l’intérêt égoïste détermine les décisions et les actions ; quand un groupe domine les autres ; quand les ressources sont gaspillées et utilisées pour des styles de vie extravagants ; quand des personnes humaines sont éliminées parce qu’il n’est pas commode de vivre avec elles ; quand des murs empêchent des personnes différentes de nous de se rapprocher de nous ; quand il y a de l’argent en abondance pour produire des armes mais pas assez pour donner accès à l’eau, à la nourriture, à un foyer, à une éducation, à des médicaments et à des emplois.
Le monde emploie ces stratégies pour la paix qui est la sienne. Les disciples de Jésus, de leur côté, comment expérimentent-ils le don de sa paix, la plénitude des bénédictions de Dieu ?
Voyons quelques exemples. Saint Pierre et les autres disciples se sont réjouis d’avoir été trouvés dignes de souffrir la persécution dans le nom de Jésus (Actes 5,41). Cela, c’est la paix de Jésus. Saint Paul dit que Jésus est notre paix, lui qui a brisé le mur de la haine entre les peuples (Ephésiens 2,14). C’est la paix en Jésus. Saint Paul a accepté la perte de toutes choses afin de gagner le Christ (Philippiens 3,8). C’est la paix de Jésus. Servir Jésus dans l’affamé, l’assoiffé, l’étranger, dans celui qui est nu, malade, prisonnier, conduit à une béatitude éternelle. C’est la paix de Jésus. Seule la paix de Jésus renouvellera l’humanité et la terre. La paix du Christ a donné à Pauline Jaricot la sérénité, la patience et le courage d’affronter les difficultés physiques, les calomnies et les humiliations. C’est la paix de Jésus.
Nous avons médité sur trois dons : le don de la parole de Jésus, le don de l’Esprit Saint et le don de la paix de Jésus. Quiconque reçoit ces dons avec joie devient un amoureux de Jésus, un missionnaire de l’Eglise, un frère ou une sœur du pauvre et un instrument de fraternité universelle et de paix. La bienheureuse Pauline Jaricot est devenue tout cela, parce qu’elle a accueilli les dons de Dieu. A présent, c’est notre tour.
Cardinal Luis Antonio Tagle, 22 mai 2022
Préfet de la congrégation pour l’évangélisation des peuples