17 Juin 2022

La générosité est la récompense du missionnaire

« Je jette un coup d’œil rapide au programme affiché au tableau en liège, à la recherche de la messe prévue le 17 juin : Ndiémane ! Un grand village, situé en pleine brousse, à 15 km environ de Nguéniène.

Après avoir préparé tout ce qu’il me faut pour célébrer l’eucharistie, je pars avec mon inséparable Citroën 15, un maître d’école, une maman et son enfant. Tout se passe bien. Les gens, à Ndiémane, assis sur le petit mur, nous attendent avec joie. Nous célébrerons dans une classe d’école étant donné que le toit de en tôle de  l’église avait été démantelé peu avant.

Pendant que je suis en train de saluer les gens, une toute petite fille s’approche en me disant : « Père, gari ga, a qeñ ale oxey sutoxta na panu le. » (Père, viens voir, l’air qui sort du pneu). Je pensais, certainement que ce sera une crevaison. En effet, je ne m’étais pas trompé ! On s’occupera de cela après la messe.

 

Un triptyque significatif

Après avoir confessé les fidèles pendant une heure, nous commençons la célébration de la messe, avec la présence d’une douzaine d’hommes, un peu plus de femmes et une marée d’enfants. Les parois de la classe-chapelle sont tapissées de divers posters publicitaires. Sur le mur d’en face, cinq petites ardoises composent une phrase : « Le travail est un trésor. » Derrière moi, « l’abside », composée par un grand panneau en contre-plaqué qui fait office de tableau noir, forme un triptyque. A droite, un lapin debout, représente le maître. Dans la bulle, – comme dans les bandes dessinées – il dit : « Mon fils apprend ! » Puis deux messages adressés aux élèves du C.P. Au centre : « L’amour que tu attends de moi, Seigneur, c’est l’effort d’une vie fraternelle. » Et à gauche : « Un sourire coûte moins cher que l’électricité mais donne autant de lumière. »

On prie, on chante, on écoute la Parole de Dieu, et pendant qu’on reçoit l’Eucharistie, soudain, on ne sait pas comment, voilà la porte qui se ferme toute seule ! Un homme cherche à résoudre le problème, en sautant par la fenêtre, pour ouvrir la porte de l’extérieur. Un autre, de l’intérieur, pousse la porte.
Les membres de l’assistance sont assis pour la prière d’action de grâce, aidés par le dialogue des deux hommes tellement occupés à arranger les choses : « O waagangiran o wet, cungi’ m gar. » (Si tu ne peux pas l’ouvrir, attends que j’arrive). Le second alors saute par la fenêtre. A l’intérieur, on entendait toujours le même refrain. Plus les refrains se répétaient, plus les hommes, les uns après les autres, sautaient par la fenêtre. Ces continuels refrains n’avaient pas de couplets, par contre les femmes avaient elles-mêmes improvisé les leurs, vraiment originaux : éclats de rire sans fin, se moquant ainsi de l’incapacité des hommes.

En si peu de temps, à l’intérieur de la classe, de la douzaine d’hommes, il n’en restait plus qu’un seul, le catéchiste. Après la bénédiction finale, joyeuse, suivie par « Ndetio fa jam » (Allez dans la paix) les enfants tout contents, en un éclair, s’attroupèrent aux fenêtres, en se bousculant. Enjamber les fenêtres, quelle joie ! Porte fermée, recréation assurée !

Dulcis in fundo : la porte retrouve sa raison d’être ! Ceci me permet de saluer et de remercier les gens, avant qu’ils ne se dispersent. Changement du pneu et, évidemment, augmentation des passagers à bord ! La maman et son enfant accompagnés, non par les grands-parents, mais par deux poules! On démarre et que Dieu nous protège !

Après avoir dépassé les villages de Guedj Martin et de Guedj Ngor Diagne, j’entends un petit bruit, donc grande panique. Je me demande : « Est-ce une autre crevaison ? » Je descends vérifier: oui, je ne m’étais pas du tout trompé ! Problème : je n’ai pas de deuxième roue de secours. Laissant mes passagers, je me dirige à pied vers la mission de Nguéniène. Les gens qui m’avaient vu passer à l’aller, me demandent, au retour : « Ta oto le wo ? » (Où est-elle ta voiture ?).

Katja, jeune coopérante allemande, vient me secourir. Nous plaçons un gros morceau de bois sous le cric, parce que c’est rare de trouver une pierre dans la brousse. En effet, il faut faire ainsi quand on se trouve sur une piste sablonneuse, autrement plus on a l’impression que la voiture se soulève, plus en réalité c’est le cric qui s’enterre ! A moitié du soulèvement, un crack nous annonce la fin du cric ! Tout est accompli : sa mission est finie ! Notre problème reste entier. Grâce au cric de la seconde voiture nous résoudrons ce difficile problème. En mettant en ordre les outils, je m’aperçois que la C15 est devenue un vrai bazar : deux roues crevées, un cric cassé, ma sacristie ambulante dans deux vieilles valises, une en peau noire et l’autre en faux aluminium, les deux poules qui, après avoir voltigé partout, avaient semé, sans aucune pudeur, leurs petits souvenirs.

Finalement me voici à la maison pour un repas fraternel bien mérité, suivi par l’habituelle sieste. Dans la position horizontale, je réfléchis : quelle aventure ! Heureusement que « Le travailleur mérite son salaire ! » Ou bien, si vous préférez la traduction de la Bible en langue courante : « L’ouvrier a droit à sa récompense ! » On ne sait pas non plus si, selon ma personnelle et libre interprétation : « L’ouvrier a droit à son salaire et… à sa Mercedes ! ». Voilà mon salaire : deux roues crevées, un cric cassé et la quête de la messe 85 FCFA (85 centimes FF).  J’étais fatigué mais heureux de cette super… mésaventure ! Pour ce qui concerne ma C15, l’heure est arrivée de la remplacer par cette Mercedes bien méritée ! Je suis un missionnaire modeste ! Dans la tirelire en terre cuite, j’ai déjà versé tout mon salaire : 85 centimes FF. Comme départ ce n’est pas mal !

Voici un étrange petit fait de vie, qui, même insignifiant, est grand parce qu’il n’a pas de prix. Le salaire, la récompense, « la Mercedes », n’est pas tant dans cet écrit que dans le cœur. La mission est haute justement parce qu’elle n’a pas de salaire. Son salaire ne consiste pas à avoir quatre roues. Son véritable salaire est un ascenseur qui va vers le Haut.

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