9 Mar 2024

La joie de l’Evangile-Lumière dans les ténèbres - dimanche 10 mars

4e dimanche de carême année B - homélie du Père Anh Nhue Nguyen

Chaque dimanche, le Père Anh Nhue Nguyen, secrétaire général à Rome de l’Union Pontificale Missionnaire, livre à notre réflexion son commentaire missionnaire biblique.

10 mars 2024, 4e dimanche de Carême, année B
2Ch 36,14-16.19-23; Ps 136; Ep 2,4-10; Jn 3,14-21

La joie de l’Evangile-Lumière dans les ténèbres

« Le IV dimanche de Carême est irradié de lumière ; celle-ci est mise en évidence en ce dimanche « Laetare » [Réjouis-toi!] par les vêtements liturgiques de couleur plus claire et par les fleurs qui ornent l’église » (Directoire sur l’Homélie no.73). Dans ce contexte de joie pour « Pâques désormais proche », nous avons écouté un passage particulier de l’Evangile qui contient, dans le contexte de la longue conversation avec le chef -pharisien Nicodème, l’annonce fondamentale de Jésus sur la mission de Dieu pour l’humanité : « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle ». Cette déclaration est justement appelée par les biblistes l’Evangile de Jean en miniature, parce qu’il résume tout le message théologico-spirituel que l’évangéliste Jean veut transmettre dans son œuvre. De la même manière la phrase pourra être considérée comme le cœur de toute l’Ecriture divine, de toute la révélation de Dieu en paroles et en action pour le salut de l’homme. Ce n’est pas par hasard que le Pape François la cite en entier dans son message pour la Journée Missionnaire Mondiale de cette année, il rappelle avec autorité l’essence de la mission de Dieu. C’est pourquoi, même les lectures liturgiques de ce jour trouvent écho et culminent dans cette révélation que nous devons approfondir, hélas trop rapidement car il y aurait tellement à dire. Nous accordons une attention particulière en engageant non seulement l’esprit mais aussi le cœur dans la lecture du message de Dieu, en traitant des trois composants de la déclaration de l’Amour de Dieu, de la Mission du Fils et de la vie éternelle des croyants.

1. « Dieu a tellement aimé le monde »

L’annonce de Jésus à Nicodème commence avec cette déclaration d’amour de Dieu. La phrase se relie à l’affirmation lapidaire “Dieu est amour » dans la première lecture de Saint Jean (1Jn 4, 8-16) que Saint Augustin décrit comme étant l’essence de toute la Bible dans son explication originale et colorée.

S’il y avait sur la terre un grand cataclysme, un incendie universel qui détruirait toutes les copies de la Bible sauf une seule page, dans laquelle toutes les lignes seraient abimées et illisibles sauf les trois mots « Dieu est amour », tout le contenu de la Bible serait sauvé !

Le verbe “aimer” pour Dieu, en grec ancien agapao, correspond au point le plus élevé, le plus sublime le plus intime de l’amour. Cela concerne tout l’être de Dieu qui aime jusqu’au point de pouvoir chanter pour toujours les mots divins et émouvants du prophète Jérémie « Je t’aime d’un amour éternel, aussi je te garde ma fidélité » (Jer 31-3), ou aussi les très belles paroles humaines (pourquoi pas ?) d’une célèbre chanson d’amour (en italien-napolitain) ; « Te voglio bene assaje / Ma tanto tanto bene sai / È una catena ormai / E scioglie il sangue dint’ ‘e vene sai » « Je t’aime tant/Mais tant tu sais/C’est devenu une réaction en chaîne désormais/Qui dissous le sang dans les veines tu sais » (chanson Caruso de Lucio Dalla). De plus, dans le contexte de la phrase évangélique complète, cet « amour » souligne non seulement un sentiment intérieur, un feeling profond du cœur, mais aussi l’action concrète du sacrifice de « donner son Fils unique », indépendamment du fait que les « aimés » soient dignes ou pas, prêts ou pas, reconnaissants ou pas, devant cet amour divin. Il s’agit d’un amour actif et puissant, « pas fait de paroles avec la langue », mais « de faits dans la vérité », pour utiliser l’expression que Saint Jean lui-même a utilisée pour recommander l’amour entre chrétiens, à l’image de Dieu (cf 1Jn 3-18) ; « Petits enfants, n’aimons pas en paroles et avec la langue, mais en actions et avec vérité ».

Ici l’objet de l’amour de Dieu est le monde. Cette expression se réfère à l’humanité entière et probablement à tout l’univers créé par Dieu. Cela rappelle l’utilisation de la même expression dans l’Evangile de Jean pour décrire cette partie du monde ou de l’humanité qui refuse Jésus comme envoyé, Fils-Verbe de Dieu. Le « drame » est déjà annoncé à la fin du prologue ; « Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu » (Jn 1,10). Mais même dans cette situation et avec toutes les significations possibles du mot monde, c’est ici qu’émerge tout cet amour prolifique de Dieu en Christ comme la lumière qui émane jusque dans les ténèbres malgré leur refus. « Voici comment l’amour de Dieu s’est manifesté parmi nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui. Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés. » (1 Jn 4, 9-10).

2. « Le Fils unique » envoyé et donné

L’amour puissant de Dieu pour le monde le pousse à “donner” son Fils unique. Dans ce don est inclus non seulement le mystère de l’incarnation du Christ-Verbe éternel du Père, mais aussi et surtout celui du sacrifice de sa vie sur la croix, mentionné avec l’image suggestive et profonde de l’action d’être élevé dans Jn 3,15 (c’est-à-dire juste avant la déclaration de Jean 3-16 que nous sommes en train d’étudier) ; « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle ». Cela résume toute la mission du Fils de Dieu qui est aussi le Fils de l’homme, selon le plan de Dieu le Père.

A propos de cette phrase, pour ceux qui se sentent mal à l’aise avec le parallèle peu élégant entre le Christ – Fils de l’homme et l’image peu sympathique (sur le plan théologique) du serpent, il faut expliquer que cette comparaison ne concerne pas les deux personnages, mais l’action d’être élevé. En d’autres termes, la construction « de même….ainsi » ne signifie pas ici que le Christ est comme le serpent (qui est certainement moche !) mais que le Christ est élevé, comme le serpent de bronze de Moïse.

De plus, saint Jean l’évangéliste utilise ici l’expression élévation de manière intentionnelle dans de multiples nuances pour Jésus. Il se réfère bien sûr à l’évènement de la crucifixion, et aussi à la résurrection et à l’ascension, lorsque Jésus est élevé à la gloire de Dieu. Dans cette « élévation » unique de Jésus (crucifixion-résurrection-ascension) se réalise le don de la vie éternelle pour « tout homme qui croit en lui ».

Il faut approfondir davantage cet acte « étrange » de Dieu qui sacrifie son propre Fils pour l’amour du monde. Il s’agit du mystère “mystérieux” qui est exalté dans l’hymne célèbre de l’Exultet au début de la Vigile pascale ; O mira circa nos tuae pietatis dignatio! O inaestimabilis dilectio caritatis: ut servum redimeres, Filium tradidisti! « Amour infini de notre Père, suprême témoignage de tendresse, pour libérer l’esclave, tu as livré le Fils ! ». Ce fait pourrait susciter pour certains de la perplexité ; Dieu n’a pas aimé son Fils ? Il ne l’a pas aimé plus que le monde ? S’il devait choisir entre le monde et son Fils, qui choisirait-il ? A ce propos, il faut expliquer que pour sauver l’homme, le Père n’a pas offert son Fils contre la volonté de ce dernier. En d’autre mots, même le Fils a voulu se sacrifier lui-même pour accomplir la volonté du Père car, comme Jésus l’a déclaré ; je ne suis pas venu pour faire ma volonté mais la volonté du Père qui m’a envoyé. (Il est rappelé ici en arrière-plan le sacrifice d’Isaac par Abraham, son père. Selon la tradition rabbinique, au moment du sacrifice par Abraham son père, Isaac était déjà adulte, âgé d’environ 37 ans ; connaissant l’intention de son père d’accomplir la volonté de Dieu, Isaac lui-même adhère docilement au plan divin de prononce ces paroles émouvantes ; « Attache-moi [en hébreu Adeqah] père ! ». Ce sera celle-là l’image de Jésus le Fils !

Par ailleurs, le Père est toujours dans le Fils (« le Père et moi sommes un », révèle Jésus) et donc, dans le sacrifice ultime du Fils, c’est le Père lui-même qui se sacrifie pour sauver le monde. La mission de Dieu le Père est le même que celle du Fils Jésus, envoyé et livré pour toute l’humanité.

3. «…afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle »

Le but de la mission de Dieu en Christ, c’est-à-dire la mission du Père et du Fils, par amour pour l’humanité, est toujours de donner la vie éternelle à « tout homme qui croit en lui ». Sur ce « tout homme » destinataire-bénéficiaire de la mission divine, écoutons encore l’explication autorisée du Pape François dans son message pour la Journée missionnaire mondiale de cette année 2024 sur le thème choisi Allez et invitez tout le monde à la noce (cf. Mt 22, 9):

Les disciples-missionnaires du Christ ont toujours à cœur le souci de toutes les personnes, quelle que soit leur condition sociale ou même morale. La parabole du banquet nous dit qu’à la demande du roi les serviteurs rassemblèrent « tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons » (Mt 22, 10). Et plus précisément « les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux » (Lc 14, 21), ce qui veut dire que les derniers et les exclus de la société sont les invités privilégiés du roi. Le banquet nuptial de son Fils, que Dieu a préparé, reste pour toujours ouvert à tous, parce que son amour pour chacun est grand et inconditionnel. « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3, 16). Quiconque, tout homme et toute femme, est destinataire de l’invitation de Dieu à participer à sa grâce qui transforme et sauve. Il suffit de dire “oui” à ce don divin gratuit, en l’accueillant et en se laissant transformer par lui, s’en revêtant comme d’un “vêtement de noces” (cf. Mt 22, 12). 

Dans cette perspective, la déclaration de Jésus sur laquelle nous méditons aujourd’hui sera aussi une invitation pour chacun, quel qu’il soit, à tourner son regard aujourd’hui vers le Christ Fils de Dieu, dressé sur la croix et élevé maintenant à la droite du Père pour contempler l’amour infini de Dieu pour nous, afin que chacun puisse dire simplement oui au don divin gratuit de la vie avec et en Dieu, en l’accueillant et en se laissant transformer par lui, en se revêtant d’un « vêtement de noce » (cf. Mt 22,12). Que Dieu nous donne à tous cette grâce, particulièrement en ce temps de salut ! « Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera » (Ep 5,14). Amen.

Télécharger l’homélie et les notes

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