11 Mai 2024

6e DIMANCHE DE PAQUES

Dimanche 21 avril 2024 Commentaire biblique du Père Anh Nhue Nguyen

Chaque dimanche ou Solennité, le Père Anh Nhue Nguyen, secrétaire général à Rome de l’Union Pontificale Missionnaire, livre à notre réflexion son commentaire missionnaire biblique.

At 10,25-27.34-35.44-48; Sal 97; 1Jn 4, 7-10; Jn 15,9-17

L’amour et la mission

L’Evangile d’aujourd’hui est la suite du discours de Jésus, « la vigne véritable », de dimanche dernier. Toujours plongés dans la joie du temps pascal et dans la mémoire de ce à quoi nous a appelé le Christ Ressuscité, il y a une semaine, c’est-à-dire à rester en Lui et dans ses paroles, nous poursuivons notre méditation sur l’enseignement de Jésus en ce jour. De nouveau nous cherchons à entrer dans une sorte de « lectio divina » du passage, en nous attardant quasiment sur chaque phrase de ce passage pour en saisir non seulement les aspects importants mais surtout le cœur de Jésus qui bat derrière chaque mot susurré aux siens, presque comme un testament spirituel.

1. « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés ». La chaine de transmission de l’amour et de la  mission divine.

L’affirmation de Jésus, citée ci-dessus, marque le début de la seconde partie de son discours sur la vigne, qui expose l’implication concrète de la métaphore vigne-sarments. On souligne la « chaîne » de transmission de l’amour ; du Père à Jésus et ensuite de Jésus à ses disciples. Une telle construction de transmission (le Père-Jésus-les disciples) renvoie naturellement à la déclaration solennelle que Jésus laissera aux siens, encore réunis dans le Cénacle, le soir du jour de la Résurrection : « Comme le Père m’a envoyé, moi je vous envoie » (Jn 20,21). Cette phrase résonne presque comme une formule d’investiture officielle des disciples pour la mission divine, ceux-ci étant du coup devenus objets du don de l’Esprit Saint pour la rémission des péchés.

Dans la même perspective de transmission, après la déclaration de la chaîne d’amour, les disciples sont exhortés à rester dans l’amour de Jésus par l’observation des commandements (comme Jésus face au Père) pour la joie complète. Il est rappelé le « chemin » des commandements comme moyen concret et sûr pour rester dans l’amour de Jésus (V. 9,10). Dans cette dernière expression (l’amour de Jésus), le génitif peut aussi bien indiquer l’amour de Jésus pour les disciples (génitif du sujet) que l’amour que les disciples ont pour lui (génitif du complément). La première interprétation est davantage conforme au contexte et à la construction grammaticale du verset 9 (« demeurez dans mon amour ») alors que la seconde prévaut pour le verset 10 (« Si vous gardez mes commandements vous demeurerez dans mon amour » en face de « si vous m’aimez, suivez mes commandements » dans Jn 14,15).

La mention de la joie au verset 11 (« je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite ») fait allusion à l’aspect fondamental de la vie, la vie de bonheur et éternelle (la phrase semble conclure une pensée avec les mots caractéristiques « je vous ai dit cela pour que… »). Ceci est réaffirmé dans l’invitation à la joie de Jésus qui, émergeant de la joie des disciples, peut trouver sa plénitude, c’est-à-dire devenir complète, abondante (comme dans Jn 10,10 lorsque Jésus déclare qu’Il est venu pour donner la vie, la vie en abondance).

2. «Mon commandement le voici; aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.». L’insistance sur l’amour réciproque.

De l’amour de Jésus et pour Jésus, nous passons au commandement de l’amour réciproque entre les disciples, qui est le fruit concret lorsqu’on est en Jésus. On reprend l’exhortation du « commandement nouveau », déjà prononcée au début du discours d’adieu, juste après la sortie de Judas du Cénacle (cf Jn 13, 34-35). En insistant sur l’amour mutuel entre les disciples, qui doit trouver sa source et son guide dans l’amour de Jésus lui-même pour eux, on approfondit l’expression concrète et plus élevée d’un tel amour ; « donner sa vie pour ceux qu’on aime » (verset 13). Ici, le terme « la vie » (psyche) désigne la vie biologique plus que théologique, à la différence de he zoe « la vie » que Jésus a déclaré être dans Jn 14,6 (« Je suis le chemin, la vérité et la vie »). La phrase dans Jn 15,13 a clairement une dimension christologique et fait allusion à la mort de Jésus, comme elle est déjà annoncée dans le discours du bon pasteur (Jn 10,11.15). De plus, cette vie « offerte » a un lien étroit avec la vie donnée, cette vie nouvelle et éternelle qui correspond au terme grec he zoe (Jn 10,10.11 ; cf 12,25). Jésus offre sa vie terrestre (psyche) parce qu’il possède la vraie vie (zoe), la vie éternelle depuis le commencement (cf. Jn 1,4)

Cette perspective d’éternité aide à comprendre en profondeur l’amitié dont Jésus parle et qu’il développe dans les versets suivants (versets 13-16). Il faut avoir à l’esprit que nous sommes encore dans le contexte de l’amour puisque le mot filoi (« amis ») dérive directement de fileo (« aimer »), utilisé dans quelques passages de l’Evangile de Jean en combinaison avec le verbe jumeau agapao (cf par exemple les trois demandes de Jésus à Pierre dans Jn 21,15-17). C’est pourquoi le mot “amis” dans la déclaration de Jésus doit être compris dans son sens le plus fort de « bien-aimés ». Ainsi, le Seigneur ne nous a plus appelés serviteurs mais « amis » « bien-aimés » et il a montré son plus grand amour en donnant sa vie pour ses « amis » « bien-aimés ».

3. «C’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous alliez …» La mission de l’amour

L’expression « je vous ai établis » est un élément de la théologie sacerdotale. En effet, nous remarquons avec le bibliste italien Guiseppe Segall que « le verbe hébreu correspondant à celui utilisé ici (établir) est prononcé dans le judaïsme pour l’ordination des rabbins et dans Nm 8,10 pour l’ordination des lévites ». (Segalla, Giovanni, 397). Il s’agit d’une pensée, reflétée dans Ap 1,6 et 5,10, selon laquelle le Christ, avec son sang, nous a sauvés et a fait de nous une royauté de prêtres pour Dieu son Père. A la lumière de ces passages bibliques, nous pouvons deviner la dignité « établie » des chrétiens, disciples du Christ, comme « prêtres » de Dieu et aussi comme « envoyés », « missionnaires » avec la mission particulière « d’aller et de porter du fruit » de manière durable.

On insiste ainsi, dans les paroles de Jésus à la fin du discours sur la vie, sur le thème du « fruit », de l’exaucement de la prière, mais maintenant tout est mis en perspective missionnaire avec le verbe précis « aller ». De cette manière, la répétition depuis le commandement de l’amour entre les disciples jusqu’à la conclusion de tout le passage de la mission est liée à l’évangélisation confiée par Jésus aux siens. Un tel amour n’est plus une question d’engagement éthique personnel, mais un témoignage et une proclamation de l’identité des disciples au regard de tous. Cela est conforme à ce que Jésus avait déclaré à ses disciples au début de son discours d’adieu : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres.» (Jn 13,34).

Prions donc avec la prière prévue pour la collecte dans le missel italien pour ce dimanche ;

O Dieu, qui nous a aimés en premier et nous a donné Ton Fils, pour que nous recevions la vie par Lui, fais que dans ton Esprit nous apprenions à nous aimer les uns les autres comme Lui nous a aimés, jusqu’à donner notre vie pour nos frères. Par le Christ notre Seigneur. Amen.

Télécharger l’homélie et les notes

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