Chaque dimanche ou Solennité, le Père Anh Nhue Nguyen, secrétaire général à Rome de l’Union Pontificale Missionnaire, livre à notre réflexion son commentaire missionnaire biblique.
Jer 33,14-16; Ps 24; 1Th 3,12-4,2; Lc 21,25-28.34-36
L’exhortation de l’apôtre saint Paul, dans la deuxième lecture, résume bien l’engagement des fidèles dans le temps présent de l’attente du Seigneur : « Que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant […],Et qu’ainsi il affermisse vos cœurs, les rendant irréprochables en sainteté devant Dieu notre Père, lors de la venue de notre Seigneur Jésus avec tous les saints » (1Th 3,12-13). Ce sont les paroles de la première lettre de saint Paul aux Thessaloniciens qui, selon l’avis partagé des exégètes, est le tout premier texte écrit du Nouveau Testament et qui est daté des environs des années 50, c’est-à-dire juste vingt ans après le départ du Christ. L’anticipation du retour du Seigneur était donc très forte parmi les premiers chrétiens, notamment ceux de Thessalonique, dans le nord de la Grèce, l’une des premières villes européennes évangélisées par Paul et ses compagnons lors de ses premiers voyages missionnaires. Ils étaient tous zélés dans l’espoir du salut final qui viendra avec le retour de Jésus à la fin du monde, comme il l’avait lui-même promis selon ce que nous lisons dans l’Évangile d’aujourd’hui (cf. Lc 21,27).
Cette forte attente peut encore être un rappel et un enseignement d’une vérité éternelle : il y aura une fin à tout et le Seigneur Jésus viendra. Pour nous, chrétiens du troisième millénaire, la question fondamentale est la suivante : « Attendons-nous encore avec ferveur la venue du Seigneur ? Ou est-ce que nous l’attendons toujours en général ? Regardons-nous encore les cieux de temps en temps pour apercevoir l’arrivée de Jésus sur les nuages ? » Puisque sa seconde venue ne s’est pas encore avérée, nous ne manquons certainement pas de patience après deux mille ans d’attente ! En effet, nous en sommes peut-être arrivés au point de ne plus y penser, nous occupant uniquement des affaires de ce monde. « En attendant, ça viendra ! » – quelqu’un dit – « et quand ? Seul Dieu le sait, et donc je continue à faire mon truc ! » Il nous manque peut-être un peu de nostalgie pour la présence du Seigneur Jésus, un état d’esprit que ses premiers apôtres, ceux qui étaient envoyés en mission, ont vécu intensément au point de contaminer leurs auditeurs. Il est temps de retrouver cette saine nostalgie du Seigneur qui découle d’une profonde amitié avec Lui. Le point est crucial pour la mission. Seul le chrétien, qui porte toujours Jésus dans son cœur, brûle du désir de le rencontrer et aspire ainsi à sa venue promise. Et seul ce chrétien ressent en lui l’envie de partager avec les autres cette douce amitié avec le Christ. Il ou elle devient par la nature des choses un missionnaire du Christ.
La question qui nous est posée aujourd’hui reste la même : « toi qui te dis chrétien et qui es disciple du Christ, est-ce que tu aspires à cette rédemption finale qu’il apporte ? » Pour ceux qui ne se sentent pas du tout comme un mort-vivant, le bon Dieu laisse aussi dans l’Évangile quelques admonestations sur un ton direct mais amical, suivies d’une recommandation concrète.
Tout d’abord, l’avertissement : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste » (Lc 21,34). Méfiez-vous de ceux qui ne vivent pas dans l’expectative ! Méfiez-vous des cœurs alourdis par les diverses choses du monde : « les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie ! » Les deux premiers vices énumérés sont souvent dénoncés dans l’enseignement biblique (cf. Rm 13,13 ; Ga 5,21 ; également Is 24,20 LXX), tandis que les « soucis de la vie » font partie des choses qui, selon l’explication de Jésus dans l’évangile de Luc, empêchent les graines, tombées parmi les épines, de croître pleinement (cf. Lc 8,14). Tous trois décrivent une vie pratique sans Dieu, comme à l’époque de Noé et de Lot, lorsqu’ils « on mangeait, on buvait, on achetait, on vendait, on plantait, on bâtissait» (cf. Lc 17,26-30).
L’exhortation vient par la suite. Jésus indique également le remède contre la tiédeur d’un cœur fatigué d’attendre les choses du Seigneur et de son royaume : « Restez éveillés et priez en tout temps » (Lc 21,36). Cette exhortation reflète l’exhortation de Jésus sur la nécessité de veiller en Mc 13,33, ainsi que celle adressée directement à l’apôtre Pierre : « Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation » (Mc 14,38 ; cf. v.35). Veiller et prier vont de pair et sont réciproques : veiller signifie prier et vice versa. Le détail distinctif de l’exhortation de Jésus dans Luc est l’insistance sur le moment de la prière/du réveil : « en tout temps », comme on le voit déjà ailleurs dans le troisième évangile (cf. Lc 18,1.7-8). C’est pourquoi saint Paul recommandera aux Thessaloniciens eux-mêmes qui attendaient avec ferveur le retour du Seigneur : « Priez sans relâche » (1Th 5,17). Et il répétera aussi aux Romains : « Ayez la joie de l’espérance, tenez bon dans l’épreuve, soyez assidus à la prière » (Rm 12,12).
La prière, donc, la prière constante, incessante, à tout moment, devient un moyen fondamental et indispensable à découvrir pour renouveler le zèle de la vie, en attendant la venue du Seigneur. Cela s’applique à tout chrétien, baptisé, missionnaire. À cet égard, il convient de rappeler les paroles mémorables du pape François dans le message vidéo à l’occasion de l’ouverture de l’Assemblée générale des Œuvres Pontificales Missionnaires (28/5/2018) : « La prière est la première « œuvre missionnaire » — la première ! — que tout chrétien peut et doit accomplir et elle est également la plus efficace, même si cette efficacité ne peut être mesurée ».
Par une prière constante et ardente pour la venue du Royaume, tout chrétien devient missionnaire, même si tous n’ont pas la possibilité de se rendre en terre étrangère pour annoncer l’Évangile (comme ce fut le cas de sainte Thérèse de Lisieux, patronne de la mission !) Par une prière constante et ardente, tout missionnaire accomplit encore plus la mission du Christ, qui lui-même priait constamment en communion avec Dieu le Père. Le point culminant des veillées de prière est précisément la célébration eucharistique qui, comme on l’a expliqué, est missionnaire par nature, parce qu’en elle la mission du Christ se réalise mystiquement dans l’offrande non sanglante de son corps et de son sang et que la mission des chrétiens, envoyés par le Christ lui-même et son Église, se poursuit.
Pourquoi alors, surtout pendant le temps de l’Avent, ne pas prier et organiser plus souvent des veillées de prière pour les missions et la Mission de l’Église ? Ces actions nous aideront à être vigilants, voire ardents dans l’attente, à raffermir nos cœurs ; elles nous rappelleront notre devoir de marcher dans la sainteté vers « ce jour » du salut final avec le Seigneur ; et elles allumeront l’enthousiasme pour témoigner à tous du Christ mort et ressuscité, donec veniat « jusqu’à ce qu’il vienne ». Amen. Maranatha !