Chaque dimanche ou Solennité, le Père Anh Nhue Nguyen, secrétaire général à Rome de l’Union Pontificale Missionnaire, livre à notre réflexion son commentaire missionnaire biblique.
Dn 7,13-14; Ps 92; Ap 1,5-8; Jn 18,33b-37
Le dernier dimanche de l’année liturgique est consacré à la solennité de Notre Seigneur Jésus-Christ, Roi de l’Univers, comme l’a voulu le pape Pie XI en l’année sainte 1925 (avec l’encyclique Quas Primas du 11 décembre de la même année), qui en a expliqué les raisons : « Pour que la société chrétienne bénéficie de tous ces précieux avantages et qu’elle les conserve, il faut faire connaître le plus possible la doctrine de la dignité royale de notre Sauveur ». Cette solennité a ensuite été confirmée par le pape Paul VI dans le nouveau Missel romain et renforcée par le pape François qui, en 2021, a choisi ce dimanche pour la célébration de la Journée mondiale de la jeunesse dans tous les diocèses du monde.
Dans cette ambiance festive, nous réfléchissons sur les caractéristiques fondamentales de la royauté du Christ, telles qu’il les a lui-même révélées dans sa conversation avec Pilate au cours de sa Passion, comme le rapporte l’Évangile d’aujourd’hui.
« Es-tu le roi des Juifs ?»
La question de Pilate à Jésus est introduite dans le récit de la Passion selon l’évangéliste Jean de manière assez “abrupte”. En d’autres termes, le thème de Jésus comme roi est abordé sans aucun « avertissement ». En effet, depuis le début de la Passion jusqu’à ce moment, le titre de roi pour Jésus n’est jamais mentionné. Dans l’épisode qui précède immédiatement le nôtre, Pilate a demandé aux autorités juives qui avaient amené Jésus avec la réclamation de le condamner à mort: « Quelle accusation portez-vous contre cet homme? » et leur réponse fut plutôt évasive, faisant référence à Jésus comme un “malfaiteur”, mais pas comme à un roi autoproclamé.
Par conséquent, l’intérêt de Pilate pour Jésus en tant que “roi des Juifs”, à ce moment-là, n’est pas dicté par la nécessité d’un procès judiciaire, mais semble plutôt vouloir faire des recherches ou au moins vouloir satisfaire une curiosité personnelle sur la véritable identité de ce Maître Juif dont Pilate avait déjà entendu parler par son peuple et/ou par les dirigeants juifs, notamment lors de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem avant la Passion. La réponse de Jésus (« Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? »), qui fait écho à son habitude de répondre à une question par une autre question, sert précisément à clarifier les intentions de Pilate et lui offre l’occasion d’approfondir sérieusement la véritable royauté que Jésus veut désormais révéler de manière personnelle, face à face, à cet illustre dignitaire romain, étendant ainsi cette révélation à tout “païen”, ou plutôt “non-juif “. tout au long de l’histoire, y compris nous-mêmes de l’époque actuelle. Sentons-nous donc “nargués”, “provoqués” par Jésus pour nous intéresser sérieusement à cette identité particulière du Roi que nous connaissons, mais peut-être avec peu de conviction et de connaissance de ce qu’il est réellement.
« Ma royauté n’est pas de ce monde »
Dans ce dialogue concis mais profond, Jésus donne une explication du vrai sens qui se cache derrière le titre d’accusation que Pilate formulera à la fin du procès : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs ». Ainsi, le premier aspect qu’Il veut clarifier est la nature spirituelle divine de son royaume. Ceci est souligné à deux reprises au début et à la fin de son court discours sur le sujet: son règne « n’est pas de ce monde » et […] « n’est pas d’ici ». Ainsi s’éclairent l’origine et la nature de son royaume “là-haut”, c’est-à-dire le caractère divin supra-mondain, tout comme Lui-même qui vient de là-haut (cf. Jn 8, 23). Cette affirmation est étayée par un raisonnement très convaincant, car basé sur la situation de l’emprisonnement de Jésus : « Si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs ».
De plus, la référence aux “serviteurs” dans le contexte de son royaume, qui n’est pas de ce monde, nous renvoie à une autre déclaration de Jésus sur l’essence de ses disciples, prononcée lors de la Dernière Cène avant la Passion : Vous êtes dans le monde, mais pas du monde. D’un point de vue spirituel, ce passage rappelle indirectement la vocation de tout disciple de Jésus. Pour entrer dans le Royaume de Dieu, il faut naître “de nouveau” “d’en haut”, cessant ainsi d’appartenir à ce monde d’ici-bas et en se renouvelant constamment en pensée et en action selon les préceptes du Royaume que nous a enseigné le Christ, « le prince des rois de la terre » (Ap 1,5).
« Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité ». Jésus, le Roi-témoin de la vérité de Dieu
Après avoir expliqué l’origine du royaume qui n’est pas du monde, Jésus est interrogé à plusieurs reprises par Pilate sur son identité royale (« Alors, tu es roi ? »). En réponse, Il répond encore une fois de manière ambiguë «C’est toi-même qui dis que je suis roi». Il ne s’agit sans doute pas d’une tactique évasive pour éviter une réponse claire (oui ou non), mais plutôt d’une invitation pour l’intéressé à réfléchir davantage sur le thème qu’Il continue désormais de révéler à propos de sa royauté.
Le mot clé de cette deuxième révélation sur la royauté du Christ est “vérité”. Il apparaît dans la déclaration solennelle de la mission de Jésus : « Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité ». Le terme “vérité” doit ici être compris non pas comme une notion philosophique, mais plutôt comme une notion théologico-spirituelle. Il s’agit de la vérité de et sur Dieu, de son essence qui est amour miséricordieux et fidèle, de la véracité de sa Parole et donc de la fidélité de Dieu à ses promesses de salut pour l’humanité. Témoin de la vérité divine au monde, le Christ est en même temps la vérité (cf. Jn 14,6), parce qu’il est le témoin fidèle de Dieu le Père (cf. Ap 1,5).
C’est précisément ici que se définit le deuxième aspect de la véritable royauté du Christ. Il est roi en tant que témoin fidèle de la vérité de Dieu et véritable “donneur” de celle-ci au monde avec la mission de son existence terrestre depuis sa naissance jusqu’au dernier moment sur la Croix (cf. Jn 1,17-18). Autrement dit, Il est le souverain révélateur et incarnation de la vérité divine dans le monde, et donc, comme Il l’a déclaré, « Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix » et ainsi il devient aussi disciple de la vérité et témoin -émetteur de celle-ci aux autres.
Dans ce court discours, la dernière phrase de Jésus apparaît comme une provocation indirecte pour Pilate et pour chacun de ses auditeurs d’aujourd’hui : Demande-toi un peu si tu es de la vérité écoutant vraiment sa voix ? Prions pour que le Seigneur nous fasse toujours écouter sa voix pour rester dans son Royaume de vérité et de vie. Amen.
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Crédit photo : Christ-Roi © Vatican News