6 Juil 2024

Dimanche 7 juillet - Le rejet de la Sagesse de Dieu dans la mission

Chaque dimanche ou Solennité, le Père Anh Nhue Nguyen, secrétaire général à Rome de l’Union Pontificale Missionnaire, livre à notre réflexion son commentaire missionnaire biblique.

Ez 2,2-5 ; Ps 122 ; 2 Co 12,7-10 ; Mc 6,1-6

Le rejet de la Sagesse de Dieu dans la mission

Nous avons écouté aujourd’hui un épisode particulier de l’Évangile qui marque un tournant dans la mission de Jésus pour le Royaume de Dieu: le rejet de la part des habitants de « sa patrie », c’est-à-dire Nazareth. C’est le drame qui annonce et préfigure le grand rejet final, de la part des chefs religieux et du peuple de Jérusalem, du ministère de Jésus et de sa propre personne comme Christ, sagesse et puissance de Dieu. C’est le mystère, décrit de manière concise dans la profonde réflexion du Prologue de l’Évangile de Jean, précisément sur la mission salvifique du Verbe incarné de Dieu : « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu», mais « à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom » (Jn 1,11-12). Dans le récit évangélique d’aujourd’hui, trois détails significatifs et toujours actuels peuvent être identifiés pour la mission d’évangélisation dans notre temps.

1. « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse… et ces grands miracles… ? » L’image implicite du Christ, sagesse et puissance de Dieu, et le “scandale” à son égard

    Les questions des habitants de Nazareth à l’égard de Jésus étaient véritablement piquantes, au point de provoquer un « scandale » à son égard : « N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » . Il faut noter dans ces mots d’identification une certaine forme de mépris dans la formule “fils de Marie”, ce qui est inhabituel dans la tradition biblique-juive, car normalement on disait “fils de + nom du père” pour identifier une personne. Par ailleurs, la mention des frères et surtout des sœurs de Jésus de manière générique (sans noms) implique plutôt ceux de la famille élargie, c’est-à-dire les cousins, selon la culture juive (et aussi celle de certains pays asiatiques comme le Vietnam, où il est appelé “cousin /e” parfois simplement comme frère/sœur).

    En tout cas, ici ressort clairement la perplexité des auditeurs dans la synagogue, lequels ne voulaient pas accueillir Jésus comme le Sage de Dieu, tout en reconnaissant la sagesse particulière “qui lui a été donnée” (sous-entendu par Dieu). En fait, nous avons ici, d’une part, la reconnaissance presque explicite de la présence d’une sagesse pas commune en Jésus lors de son activité publique, qui va de pair avec la puissance des miracles, comme on le voit dans la deuxième partie de la question citée (« et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains »?), et d’autre part, une question sur l’origine d’une telle sagesse puissante et extraordinaire, comme le suggère l’usage de “quelle/qui[sagesse]” dans le sens du “d’où” et de la successive perplexité du peuple autour de la famille “insignifiante” de Jésus (cf. Mc 6,3 // Mt 13,55-56). Si l’on considère alors que le binôme sagesse-puissance (sophia-dynamis) fait écho des qualités du Messie en Is 11,2 (sophia-ischys “sagesse-force/forteresse” ; « Sur lui reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force »), on peut observer ici l’intention de présenter Jésus comme le Messie, avec l’esprit de Dieu qui possède une sagesse et une puissance extraordinaires. Sa sagesse est donc inexplicable, car divine, exprimée non seulement en paroles mais aussi en actions/merveilles.

    Il convient de souligner que dans l’Évangile de Marc, le terme sophia “sagesse” appliqué à Jésus n’apparaît qu’ici. Ce qui importe le plus à l’évangéliste est la question de l’identité de Jésus comme Messie, ou Christ, et Fils de Dieu, comme le suggère la première phrase de cet évangile (Mc 1,1 : « COMMENCEMENT DE L’ÉVANGILE de Jésus, Christ , Fils de Dieu ») et aussi par sa structure bipartite avec pour aboutissements deux confessions de foi (de Pierre et du centurion) sur ces deux identités : « Tu es le Christ » (Mc 8,29) et « cet homme était Fils de Dieu ! » (Mc 15,39). De ce point de vue, il convient de noter que tandis que d’autres s’étonnent et se scandalisent face à la sagesse de Jésus et à son enseignement, Lui disait : “Aucun prophète […] dans sa patrie”, et non “aucun sage/maître”. Bien sûr, il se peut qu’il citait un proverbe populaire pour commenter sa situation devant les habitants de Nazareth. On pourrait cependant y voir une certaine auto-identification de sa personne avec la figure d’un prophète. On en déduit que, étant reconnu comme le Maître Sage, Jésus se révèle comme le Maître-Prophète eschatologique qui indique au peuple avec sagesse et puissance les voies de Dieu à la fin des temps. Il est vrai que l’évangéliste Luc, en racontant le même épisode dans la synagogue de Nazareth, montre Jésus qui, après avoir lu le passage d’Is 61,1-2 concernant la mission du prophète oint de l’Esprit du Seigneur, proclama l’accomplissement de l’Écriture Sainte dans sa propre personne (cf. Luc 4, 16-21).

    2. « Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ». L’étrange “limite” de la puissance du Christ et sa “réaction missionnaire”

    Malgré tout ce qu’ils ont entendu et vu de Jésus, les habitants de Nazareth ne pouvaient pas croire en Jésus comme messager spécial de Dieu à cause de leur “trop”de connaissance de Lui. Ils n’ont pas pu dépasser leur vision “habituelle” de Jésus, cette vision humaine selon la chair, pour reprendre l’expression de saint Paul, même après avoir été “ étonnés” en l’écoutant! En d’autres termes, ils se sont bien enfermés dans leur “ancienne” connaissance de Jésus, même si ses paroles ont suscité quelque chose en eux. Ainsi, avec une certaine dose d’ironie, l’évangéliste note successivement que Jésus, ne pouvant pas accomplir quoi que ce soit, sauf quelques guérisons, «s’étonnait de leur incrédulité» littéralement de leur apistia “non-foi” ou manque de foi. Tout cela sera même un avertissement pour nous tous croyants, qui pensons connaître Jésus mais en réalité nous ne le connaissons pas et nous restons souvent prisonniers paresseux de notre prétendue connaissance de Jésus, devenant nous-mêmes incapables de voir et d’accueillir les nouvelles merveilles de Dieu dans notre vie!

    Dans le récit évangélique, apparaît clairement le rôle fondamental de la foi nécessaire avec laquelle l’homme du besoin (ou la femme, comme on l’a vu dimanche dernier) s’ouvre à la grâce divine qui opère des miracles. En ce sens, Dieu tout-puissant et omniscient, qui agit à travers le Christ, aura paradoxalement aussi sa limite causée par la foi ou le manque de foi de l’homme. Comme l’a enseigné Pape François « Saint Augustin utilise à cet égard une très belle expression en disant: «Dieu t’a créé sans toi, il ne te sauvera pas sans toi» (Sermon 169, 13). Et ce n’est certainement pas parce qu’il n’en a pas la capacité — il est tout-puissant ! — mais parce que, étant amour, il respecte jusqu’au bout notre liberté. Dieu propose, il n’impose pas, jamais » (Angelus, Dimanche, 15 octobre 2023). Oui, dans le Christ, la grâce divine continue à pleuvoir abondamment sur tous, mais si quelqu’un ne sort pas de son confinement, il ne recevra même pas une goutte d’eau purificatrice.

    À la lumière de l’épisode évangélique analysé, nous pouvons comprendre de plus les paroles profondes et en même temps émouvantes de saint Paul dans 2 Cor 12,7-10 (deuxième lecture) sur ​la puissance du Christ qui se manifeste dans la faiblesse de l’apôtre, dans la vie et la mission d’évangélisation dans le monde. Cette faiblesse, la mystérieuse “épine” dans la chair, à laquelle l’apôtre fait référence dans sa lettre, peut être de nature physique (une maladie) ou psycho-spirituelle (une tentation ou un état d’esprit qui provoque une souffrance constante). En cela, nous pouvons sentir, en généralisant, le poids de toutes les limites insurmontables que l’apôtre rencontrait et auxquelles il faisait face dans sa vie et sa mission, y compris celles de l’incrédulité et même de l’iniquité de la part de ceux qui rejettent et luttent systématiquement contre l’annonce de l’Évangile du Christ.

    3. « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2Co 12,10). Le mystère de la puissance du Christ pour et dans la mission

    À la lumière de l’épisode évangélique analysé, nous pouvons comprendre de plus les paroles profondes et en même temps émouvantes de saint Paul dans 2 Cor 12,7-10 (deuxième lecture) sur ​la puissance du Christ qui se manifeste dans la faiblesse de l’apôtre, dans la vie et la mission d’évangélisation dans le monde. Cette faiblesse, la mystérieuse “épine” dans la chair, à laquelle l’apôtre fait référence dans sa lettre, peut être de nature physique (une maladie) ou psycho-spirituelle (une tentation ou un état d’esprit qui provoque une souffrance constante). En cela, nous pouvons sentir, en généralisant, le poids de toutes les limites insurmontables que l’apôtre rencontrait et auxquelles il faisait face dans sa vie et sa mission, y compris celles de l’incrédulité et même de l’iniquité de la part de ceux qui rejettent et luttent systématiquement contre l’annonce de l’Évangile du Christ.

    On parle ici de l’expérience que le Christ lui-même a vécue dans son ministère pour le Royaume. Il a traversé cette situation de “faiblesse” dans la mission, rencontrant également des refus, des insuccès, des échecs, comme cela s’est produit dans son pays natal. Mais tout cela ne l’a pas découragé dans la poursuite de son chemin missionnaire.

    Télécharger l’homélie et les notes

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