Le cardinal Luis Antonio Tagle, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, a demandé aux évêques des territoires de mission d’envisager de se priver des subsides qui leur sont dédiés chaque année. En cause : la chute des dons collectés par les Œuvres pontificales missionnaires en raison de la pandémie. Lire le résumé du courrier du cardinal Tagle.
Comment avez-vous accueilli la lettre du cardinal Tagle relative aux subsides des diocèses de territoires de mission ?
Père Benjamin Koné : Nous avons accueilli avec foi cette lettre. Il fallait, en réalité, s’y attendre. Pour qui observe le cours habituel des choses, de notre histoire et de la vie du monde, un monde en proie à une crise sanitaire sans précédent pour nos contemporains, c’était prévisible.
La mission d’évangélisation qui nous est assignée a besoin de moyens pour être menée à bien. Il s’agit de moyens humains (la moisson abonde, mais les ouvriers sont peu nombreux…), de moyens matériels, de moyens financiers etc.
Les pays de mission dont nous faisons partie ont longtemps bénéficié de subsides de toute l’Église via Rome. Nous savons aussi que les pays de vieille chrétienté sont en pleine déchristianisation. Il y a de moins en moins de chrétiens dans cette partie du monde, par ailleurs la plus pourvoyeuse, donc de moins en moins de grands donateurs, même si les statistiques font état d’un accroissement du nombre de catholiques dans le monde. Déjà avec ces données, on sentait venir les choses.
En plus, le monde a été surpris par cette crise sanitaire qui malheureusement dure dans le temps. De façon générale, l’impact économique est visible dans la société. Évidemment, l’Église qui est dans le monde ne peut être en reste. Il faut accueillir tout cela de façon providentielle quand bien même ce serait difficile à vivre. Le Christ nous demande de lui faire confiance, de ne pas se faire « de souci pour demain : demain aura souci de lui-même » (Mt 6,34).
Ces subsides aident-ils substantiellement les territoires de mission ? Et quel impact leur suppression ou réduction pourrait-elle avoir, notamment chez vous à Katiola ?
Père Benjamin Koné : Une aide est toujours bienvenue. Il faut l’accueillir comme un don de la foi ; c’est un acte de charité, un acte d’Église, un acte de solidarité appréciable indépendamment de l’impact immédiat et matériel qu’il peut avoir dans nos Églises. Cela dit, ces subsides sont en effet une bouffée d’oxygène pour nos diocèses, particulièrement le nôtre qui voit ainsi une part des charges du fonctionnement de l’évêché prise en compte, le financement de projets, et quelques charges annexes.
Mais on est loin du compte en ce qui concerne les charges générales annuelles, paroisses comprises. Toutefois, avec la suppression envisagée de ces subsides, nous sommes amputés dans une certaine mesure, et il va falloir restreindre les différents budgets pour s’en tenir aux activités de première nécessité. Certaines activités prendront donc un coup, elles connaîtront à tout le moins un certain ralentissement. Mais la mission ad gentes poursuivra son cours au rythme de Dieu. Nous avons foi en la providence.
Au niveau du diocèse de Katiola, qu’est-ce qui est envisagé pour faire face à cette situation ?
Père Benjamin Koné : Pour tout dire, nous n’avons pas attendu cette situation et cette décision pour prendre nos dispositions, pour agir. Sous la conduite de notre évêque, aujourd’hui archevêque de Korhogo [Mgr Ignace Bessi NDLR], depuis quelques années déjà, nous avions pris le taureau par les cornes en mettant en place une politique d’autonomisation progressive du diocèse à l’image de la Conférence des évêques elle-même. Il s’agissait notamment de sensibiliser, pour commencer, nos chrétiens trop habitués à recevoir, à penser eux-mêmes la prise en charge de leur Église. Ensuite, organiser annuellement une fête de charité par paroisse aux profits des paroisses et du diocèse. Puis créer et entretenir des champs et des fermes… ; à côté, la mise en œuvre de la péréquation, etc. La dynamique prend progressivement, le plus dur étant l’adhésion pleine et totale des fidèles qui ont besoin de comprendre mieux pour mieux vivre. La plupart de nos paroisses s’en sortent tant bien que mal. Avec la nouvelle donne, au pied du mur, nous saurons trouver les mots pour sensibiliser et encourager nos chrétiens dans ce sens, et le Seigneur fera le reste.
Interview de Lucie Sarr pour La Croix Africa