Le missionnaire n’est pas dans le virtuel, protégé par son ordinateur.
Il serre des mains, il soigne des malades, il visite des familles, il laboure un champ avec les paysans de sa mission. Il est l’homme d’un pays et d’une époque, la sienne !
« Allez, de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19) – Ce commandement du Seigneur juste avant de rejoindre son Père le jour de l’Ascension résonne jusqu’à nous à travers toutes les générations, toutes les cultures, tous les continents. Comment l’entendre aujourd’hui, à l’heure de la mondialisation, à l’heure des réseaux sociaux, à l’heure d’une société multiculturelle –et en beaucoup de lieux multireligieuse– ?
Comment l’entendre en ayant au fond de notre oreille deux autres paroles du Christ: « la moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux, priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson » (Lc 10,2; Mt 8,37), « vous n’aurez pas encore passé dans toutes les villes d’Israël quand le Fils de l’homme viendra » (Mt 10,23)… deux paroles qui ont jailli du Cœur du Christ au moment où il s’est ému de compassion en voyant les foules « comme des brebis qui n’ont pas de berger » (Mt 8,36).
Il faut peut-être alors repartir de ce qui motive, de ce qui initie un élan, une mission… et c’est un appel: « Pars, quitte ton pays, ta famille et la maison de ton père, va dans le pays que je te montrerai » (Gn 12,1) dit-il ainsi à Abraham… et les disciples du Christ vont vivre aussi, au contact de l’Epoux, ce détachement qui n’a pas peur de tout quitter pour répondre à l’invitation de Dieu: « Venez et vous verrez » (Jn 1,39), « Viens, suis-moi » (Mt 19,21 ; Mc 10,21 ; Lc 18,22).
Accepter de partir, c’est s’ouvrir à un apprentissage nouveau, laisser la porte ouverte à une découverte, à des inattendus de Dieu.
Accepter de partir, c’est croire qu’une mission… et même la fécondité d’une mission ne va pas dépendre de nos propres forces, de nos propres talents, mais elle va révéler –souvent dans la pauvreté et l’humilité– Celui qu’on veut montrer et qui nous a envoyés. Avec le Père et l’Esprit, Il est le Maître de la moisson, Il est celui qui veut se rendre lui-même dans tel ou tel village, dans telle ou telle famille, dans tel ou tel cœur, dans telle ou telle histoire, et à la suite des apôtres, ou à l’exemple de Jean-Baptiste, le missionnaire est celui qui prépare cette venue et qui, ensuite, s’efface et se réjouit quand il comprend le moment où l’Epouse a reconnu son Epoux. « Nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre, sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple » (Mc 10,29-30). La mansuétude de Dieu fait que, dans le départ, il y a une dépossession, il y a un don de sa vie… mais en fait, un trésor est redonné sous forme de grâces et sous forme d’une famille qui est aux dimensions de Dieu.
Bien sûr, il y a des défis aujourd’hui en Europe pour renouveler, pour ajuster l’annonce de la foi, mais il y a aussi des défis immenses en-dehors de l’Europe où nous ne nous rendons pas toujours compte de la nécessité impérieuse même d’une première annonce. Parlons chiffres: il n’y a qu’un tout petit pourcentage de chrétiens en Asie: 7% au Vietnam, 8-9% en Corée… si on fait exception des Philippines ou du Timor oriental, il n’y a que 3% de catholiques en Inde, 20 000 sur 15 millions de personnes au Cambodge, 3% de catholiques en Asie ! Les champs de la mission sont immenses ! Y découvrir un appel, c’est s’ouvrir à des défis bien différents de ceux de l’Europe, des défis du dialogue, des défis de la rencontre, des défis d’une lumière qu’on a envie de partager et qui fait vivre.
Lors d’une conférence récente, le Père Michel BRIAND, prêtre de la Société de Saint-Jacques, missionnaire en Haïti, enlevé là-bas, puis libéré, témoignait de sa vocation. Il disait que, quand il s’est ouvert à son évêque de son désir de partir en mission, il lui avait confié une crainte : la crainte que ce départ ne vienne pénaliser un diocèse déjà pauvre en prêtres. Mais l’évêque l’avait rassuré en répondant qu’un missionnaire est toujours signe de l’universalité de l’Eglise, et qu’ainsi, il y a toujours une fécondité dans le désir missionnaire.
Mais peut-être faut-il justement retrouver ce goût de la mission, réentendre par exemple sainte Thérèse de l’Enfant Jésus: « je voudrais parcourir la terre, prêcher ton nom (…), mais, ô mon Bien-Aimé, une seule mission ne me suffirait pas, je voudrais en même temps annoncer l’Évangile dans les cinq parties du monde et jusque dans les îles les plus reculées ». Sainte Thérèse laisse là libre cours à l’excès de son désir avant d’y trouver la place qui sera la sienne dans l’immense champ de la mission de l’Église. Toutefois, c’est bien le désir, et le moteur de l’amour qui montreront, dans les champs du numérique, ou dans les immenses champs du monde, où il faut répondre à l’appel du Seigneur. Du prophète Isaïe: « J’entendis alors la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ?» » (Is 6,8).
C’est à toi, jeune homme, jeune fille, ou à vous frères aînés moins jeunes que l’appel du Seigneur s’adresse en ce temps de l’Avent dans lequel nous entrons ce dimanche.
L’appel est relayé par saint Paul dans la lettre qu’il adresse aux Romains : « c’est le moment de sortir de notre sommeil… Revêtons-nous des armes de la lumière ! ». Du Laos à Tahiti, des peuples aux cultures variées et riches, de la Chine à l’Afrique, des peuples privés de liberté ou du minimum nécessaire pour vivre, espèrent que vous entendrez votre ange gardien lorsqu’il sonnera l’heure du départ pour la mission lointaine !
Prêts ? Partez ! Et bonne nouvelle année liturgique !
Mgr Georges Colomb
Directeur National des OPM
Évêque de La Rochelle et Saintes